2010 Numéro 13
NOTRE PATRIMOINE
BULLETIN DU COMITE DE SAUVEGARDE DU PATRIMOINE VALENCIENNOIS.
N° 13 Automne 2010
Le mot du Président
MAUVAIS ARGUMENTS
La presse régionale s'est faite écho (VDN 15, 20, 27 aout 2010) du coup de force mené par Mr Guy DELCOURT, maire de LENS, contre un immeuble abandonné mais inscrit à l'inventaire supplémentaire des MH et intégré au dossier d'inscription du bassin minier sur la liste des sites reconnus Patrimoine Mondial par l'UNESCO.
Bien que s'étant vu refuser le permis de démolir, l'édile irascible n'en décida pas moins de commander le bulldozer et de le lâcher sur la pauvre bâtisse sans toutefois la raser. Interrompu dans son élan par une injonction du préfet et la menace de poursuites judiciaires, le premier magistrat lensois livra aux journalistes le fond de sa pensée: « Je sais que ce n'est pas le rôle d'un maire de se mettre hors la loi...mais je considère que mes services municipaux sont humiliés par l'architecte des bâtiments de France...Le bassin minier est vaste. Je suis fier de ce patrimoine mais Lens ne doit pas supporter d'être la seule vitrine de la vie passée...On ne va pas laisser des gens dans des logements pourris sous prétexte que cela a un intérêt architectural... »
Quel florilège.
Le rôle de l'architecte des bâtiments de France est régulièrement critiqué par les élus de toutes tendances politiques. Comment un fonctionnaire (même pas issu d'une école d'administration) ose-t-il s'opposer à un élu désigné par le peuple souverain?
D'autres élus posent la même question aux juges qui les condamnent...
Le rapprochement est intéressant car le fondement est identique: l'élu n'est pas un despote appréciant de tout comme bon lui semble. Il lui faut exercer ses fonctions dans l'intérêt général dont les facettes sont multiples et qui incluent la protection de l'environnement, du patrimoine architectural et historique. Prétendre qu'il est légitime de se placer hors la loi au motif que ses services municipaux se sont sentis humiliés revient à considérer que les dits services n'ont d'autres contraintes que celles que le maire voudra bien leur donner.
C'est ainsi que sont souvent remises en cause la loi littoral qui empêche (en principe) les constructions sur les terrains les plus proches du rivage, et l'action des architectes des bâtiments de France qui préservent tant bien que mal notre Patrimoine. Que seraient devenus paysages, villes et villages de France sans leurs interventions quotidiennes et le plus souvent discrètes ?
Alors oui, les élus peuvent être contrariés dans leurs projets et il leur arrive de prétendre que le Patrimoine de leur commune n'a rien de remarquable ou d'intéressant et qu'il convient plutôt de protéger autre chose beaucoup plus loin. Il y a peu (L'observateur 22/09/06), afin de justifier la construction d'immeubles en centre-ville aux lieu et place de jardins, un adjoint au maire de Valenciennes n'a-t-il pas prétendu que si les valenciennois voulaient respirer, il leur fallait déménager et habiter la campagne ?
La protection de l'environnement et du Patrimoine c'est bien, mais ailleurs!
Certes l'intérêt général c'est aussi assurer un logement décent, des transports efficaces, une vie sociale et économique etc...
Mais pourquoi opposer par principe politique de l'habitat et mise en valeur du Patrimoine si ce n'est par facilité ? Notre Région a déjà subi bien trop de destructions depuis le Révolution, les deux guerres et l'urbanisation mal contrôlée, pour ne pas en rajouter par incompétence ou susceptibilité mal placée.
Jérôme GUILLEMINOT
« LES ANCRAGES » Par Pascal Leteneur
Outre leur aspect souvent décoratif, les Ancrages* jouent un rôle essentiel dans les édifices à Ossature* de bois appareillées à la chaux ; Ce sont eux qui retiennent les façades de ces anciennes constructions De l’époque de leur invention jusqu’au début du vingtième siècle, ils étaient essentiels à la bonne stabilité des bâtiments. Comme pour la plupart des décors de l’architecture ordinaire, ceux-ci découlaient donc principalement et entièrement de leur fonction. La profusion des formes n’avait d’égal que celle de l’imagination des forgerons dont la créativité était pratiquement sans limite et ne dépendait bien souvent que de la richesse du propriétaire pour lequel ceux-ci étaient réalisés.
Fabuleusement enrichis en carbone lors de leur façonnage à la forge et donc au feu de bois, ces fers présentaient une résistance à l’oxydation hors du commun, leur conférant une longévité sans égal ! L’acier industriel et l’inox n’existaient pas encore et vous pouvez par vous-même vous rendre compte de ce constat en observant qu’aucune coulure de rouille ne vient tâcher la craie blanche des superbes façades anciennes de nos villes où ces ancrages sont présents (pourtant à l’aspect rouillé), même si ceux-ci ne sont pas peints et protégés Et oui ! Si tel était le cas, il s’agirait de fers industriels modernes et fragiles Pas si bêtes nos ancêtres ! De ce constat, on peut facilement conclure que les rares éléments vraiment pérennes et réutilisables de ces constructions, sont les grès de soubassement et les ancrages en fer forgé .
Les Ancrages ont hélas aujourd’hui disparu de nos façades modernes, remplacés par le béton armé, lequel présente de nombreux avantages mais aussi de gros inconvénients
Imaginez :
Vous connaissez tous le corps humain pour en avoir vu les images médicales et connaître l’aspect général de notre squelette. C’est lui qui nous permet d’évoluer dans l’espace en restant debout Essayez maintenant de retirer tous les éléments de la construction d’un immeuble en ne conservant que son ossature ;
o pour les maisons à ossature de bois, ne resteraient que les éléments de Charpenterie constitués de Sommiers*, de Solives* (Gîtage), de Fermes* et de leurs Contreventements* (Croix de saint André par exemple) ; l’inconvénient réside dans le défaut d’entretien qui permet parfois aux champignons et insectes xylophages de s’installer, notamment aux endroits où ceux-ci jouxtent les maçonneries auxquelles ils sont solidarisés par le biais des Ancrages* et donc parfois de mettre en péril la solidité de ces constructions
o pour les maisons modernes, ne resteraient que les éléments de treillis et armatures métalliques (acier), notamment pour les immeubles à étages ou les bâtiments industriels ; l’inconvénient résidant ici dans le fait que les énormes masses métalliques formant l’ossature, conductrices à souhait, amplifient de façon exponentielle comme de gigantesques antennes toutes les ondes, que celles-ci soient d’ordre électromagnétique, électrique, radiologique ou calorifique A ce jour, peu d’études véritablement scientifiques ont été menées pour connaître toutes les conséquences de ces « amplificateurs d’ondes » sur la santé des hommes dont ils sont sensés assurer la stabilité de leurs abris
Malheureusement, l’apparition de l’industrialisation a donc vu disparaître le savoir faire ancestral que chacun se transmettait de génération en génération, et par là même les règles de « bon sens » que l’Homme a perdu et que la machine ne connaît pas. Mais ne désespérons pas, quelques uns détiennent encore ce savoir ou se le sont à nouveau approprié
(*) DEFINITIONS :
Ancrage : Ouvrage de stabilisation des constructions empêchant 2 parties ou éléments de se désolidariser ;
Ossature : Ensemble des éléments de stabilité qui composent la structure porteuse, le squelette d’un édifice ;
Sommier : Poutre de bois horizontale qui, le long d’un mur, supporte l’extrémité de solives ;
Gîte ou Solive : Longue pièce de bois dont les extrémités prennent appuis sur murs porteurs ou sur poutre pour composer l’ossature rigide d’un plancher ;
Ferme : Assemblage de pièces de bois dans un plan vertical, formant l’ossature triangulée d’une charpente ;
Contreventement : Ensemble des liens qui s’opposent à la déformation latérale d’une charpente ou d’une ossature, en particulier sous l’effet du vent ;
Le mot du secrétaire
Quelques nouvelles du patrimoine :
· La Basilique Notre Dame du Saint Cordon :
Le clocher est stabilisé. La situation est entre les mains des experts qui étudient les désordres, et tant qu’ils n’ont pas donnés leur conclusion, les travaux sont arrêtés.
· L’Hôpital Général :
Il est en vente, et c’est un ensemble classé. Deux repreneurs se sont manifestés pour en faire un lieu de grand standing : hôtel quatre étoiles, bureaux et appartements de standing. L’hôpital de Valenciennes, qui en est propriétaire, étudie de près les deux projets avec l’aide de l’architecte des monuments historiques.
· Les visuels :
Celui de la lunette de Cambrai, financé par Valenciennes Métropole, est posé depuis quelques mois. Il contient le plan du Commandant Mariage des anciennes fortifications de la ville et des photos des souterrains, ce qui permet de mieux comprendre le lieu ; mais il vient malheureusement d’être couvert de tags
Celui de l’écluse des Repenties et du pont de la citadelle est en préparation pour rendre ce lieu « lisible ». Il sera de forme panoramique. Le contenu est proposé par le Comité de Sauvegarde, et le financement sera fait par la Ville.
· La chapelle des Pères Maristes
La chapelle bâtie en 1860 par l’architecte Louis Dutouquet présente de nombreuses qualités patrimoniales, tout comme les fresques du frère Sylvain Giraud dans le petit oratoire. Cet ensemble est en vente, et il est nécessaire d’y prêter la plus grande attention pour qu’il soit sauvegardé. Le propriétaire des lieux donne sa préférence à la Maison du Pain de Vie qui y vit depuis de nombreuses années. La vente qui semblait compromise il y a quelques semaines, a pris une tournure favorable tout récemment, et l’espoir d’une sauvegarde totale revient à condition que les dons continuent au même rythme !
Des nouveautés :
Cartes de Francis Trotin : Certaines cartes viennent d’être rééditées en format carte postale (10x15) et vendues 4 € le lot : le 94 rue de Paris, la Maison Espagnole, la Maison du Prévôt et l’Hôtel de Ville
Publications :
- Un livre vient de sortir de presse : « Du collège de jeunes filles au lycée Antoine Watteau », Histoire des bâtiments et des cours dispensés de 1880 à nos jours. Il s’agit de la publication de la conférence donnée le 16 avril 2009, dans le cadre du centenaire de l’inauguration du lycée Watteau, par Alain Cybertowicz qui a fait toute sa carrière de professeur de mathématiques dans cet établissement et Hervé Hornez professeur agrégé d’histoire au lycée Watteau. Les bénéfices seront intégralement consacrés à la restauration de la maison scaldienne du moyen âge du 94 rue de Paris.
- Une autre publication est en préparation : Monsieur Dangréaux, professeur à l’Université de Grenoble, termine un écrit sur le vitrail des Ursulines de la Basilique Notre Dame du Saint Cordon. Cet ouvrage devrait sortir au printemps prochain. Les bénéfices seront entièrement reversés à l’association pour la restauration de la Basilique.