La porcelainerie de Valenciennes
Historique de la manufacture de porcelaine de Valenciennes
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La fabrique de porcelaine de Valenciennes a été fondée en 1785 par Jean-
Baptiste-Joseph Fauquet qui dirigeait la faïencerie de Saint-Amand. Il la céda
rapidement à son beau frère Charles-Louis-Joseph-Humbert Lamoninary.
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Cette fabrique prit rapidement une grande extension par la qualité de sa
porcelaine dure, grâce au charbon de terre qui était plus économique et qui
permettait de monter en température.
Elle a produit de très belles porcelaine, décorées avec goût et notamment des
statuettes et des groupes en biscuit extrêmement remarquables.
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Sur un site de vente, on peut lire : "La porcelaine de Valenciennes est une des plus
rare que l'on puisse trouver".
Sur ce même site, une simple tasse "18ème guirlande" est estimée 416 euros.
Ci dessous un exemplaire propriété du musée des beaux Arts de Valenciennes
L'usine ferme en 1794, suite au siège des autrichiens de 1793 et à l'exil de
Lamoninary en Allemagne.
De retour d'exil, Lamoninary essaiera de remettre en route son usine, mais il n'y
parviendra pas. Le site est alors abandonné.
Ci dessous des exemplaires montés par un collectionneur lors de assemblée
générale 2013 du CSPV
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Une manufacture de porcelaine à Valenciennes
Jérôme Guilleminot
DE 1785 à 1794, la manufacture de porcelaine de Valenciennes se composait de deux
établissements.
Le premier, implanté près de la Porte de Paris le long de l’Escaut, était un moulin à broyer. La roue
à aubes mettait en action huit pilons pulvérisant les matières premières nécessaires à la production de
l’émail et des pâtes : terres blanches, kaolin, marbre blanc, silex...
Il se traitait environ 200 tonnes de matière en une année. Au XIXème siècle, ce moulin sera transformé en
scierie de marbre.
Le second, la porcelainerie proprement dite, se constituait d’une grande propriété rue de la Croix de la
Tannerie, devenue 48 rue de l’Intendance, donnant par l’arrière sur l’Escaut. La maison d’habitation et le
magasin s’ouvraient côté rue ; dans la cour après être passé sous le porche, le bureau puis les ateliers,
puis tout au fond le bâtiment du four. Au plus fort de son activité, la porcelainerie faisait travailler 88
personnes : tourneurs, garnisseurs, modeleurs, peintres, batteurs de pâte, retoucheurs, brunisseurs et
manœuvres.
Façade de la Porcelainerie de Valenciennes 48 rue de l’Intendance
Photo Henri Guillaume
Si cette dernière catégorie était numériquement la plus importante, il
fallait également employer une main-d’œuvre très qualifiée : outre les
talents artistiques requis pour former , sculpter et peindre les
porcelaines et biscuits, les connaissances en matière de chimie et de
cuisson étaient indispensables. Voici quelques exemples de manipulations
nécessaires à la préparation des couleurs en 1787 : « Dissolution d’or pour
le pourpre. On prend de l’esprit de sel marin en proportion de la quantité
d’or que l’on veut dissoudre. On coupe son or en petites parties et on les
met dedans ; ensuite on prend le bon esprit de nitre ; on verse goutte à
goutte sur l’esprit de sel jusqu’à ce qu’on s’aperçoive que l’or commence à
se dissoudre ; alors on cesse de mettre de l’esprit de nitre. Pour avoir un
beau précipité pourpre, il faut que la dissolution d’or soit saturée, c’est
à dire qu’il faut qu’il reste un peu d’or à dissoudre au fond du flacon
. Cette dissolution est à son point de perfection lorsqu’on ne sent aucun
goût d’acide et de fermentation en portant le nez à l’embouchure du dit
flacon ».
On maniait également l’argent, le bismuth, le manganèse, l’arsenic, le minium,
l’antimoine…
« Dans une grande chambre, ayant vue sur la cour de la maison et par derrière sur
l’Escaut était construit un grand four en forme de tour avec trois embouchures
fermantes à porte de fer, et à côté duquel il y avait un autre en carré ».
Un extrait du procès-verbal du 18 novembre 1785 précise que deux fours ont co-
existés au moins temporairement : un petit four carré pour les petites porcelaines et
le grand four de forme cylindrique. Ce grand four avait l’originalité de fonctionner à la
houille plus économique que le bois utilisé par les manufactures concurrentes. Le père
de Charles Lamoninary, directeur de la manufacture, était d’ailleurs actionnaire des
mines d’Anzin.
Bien qu’un croquis ait été réalisé, ce four a gardé son mystère : ses propriétaires successifs
n’ont jamais révélé ses dimensions exactes ; secret de fabrique oblige...Il était composé d’une
partie basse pour la porcelaine (assiettes, gobelets, pots, cafetières, porte-huilier…) et d’une
partie haute pour les biscuits plus délicats (dont la descente de croix). Il pouvait contenir au
maximum 3 000 pièces. La cuisson durait 36 heures.
Subsistent encore la sole du grand four et au fond à gauche la trace de trois petits fours
rectangulaires pour les cuissons à petit feu.
Photo des années 1980
Le lieu correspondant à la salle du four sur le plan
Photo Alain Cybertowicz juin 2017
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Article de Jérôme Guilleminot paru dans la Voix du Nord le 7 janvier 1988.
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Une manufacture de porcelaine à Valenciennes
Les constructions à usage d’habitation et une partie des ateliers étaient d’une belle architecture
Louis XVI. La date d’établissement du bâtiment du four est plus délicate à cerner. Les parties en
élévation paraissent manquer d’homogénéité : la brique est le matériau le plus utilisé mais le
grés, la pierre bleue et la pierre blanche sont également présents, surtout dans les pignons. Il
peut s’agir soit d’un bâtiment du XVIIème siècle remanié au XVIIIème siècle (à la suite du
bombardement de 1793 ?), soit d’un bâtiment du XVIIIème siècle édifié à l’aide de matériaux de
récupération.
En 1952, et malgré une inscription à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, les
bâtiments sur rue furent abattus. Il restait encore toutes les dépendances, une partie de l’atelier
reconverti en habitation et une grande partie de bâtiment du four.
Le jeudi 3 décembre 1987, de nouveaux travaux de démolition commencèrent. Le Comité de
Sauvegarde du Patrimoine Valenciennois, qui, depuis plusieurs années avait marqué son intérêt
pour ce site auprès des autorités compétentes, ne fut pas informé. Lorsque cela vint à notre
connaissance, les travaux étaient déjà bien avancés bien que sans permis de démolir. Malgré
une réaction rapide et insistante de notre part, ils se poursuivirent. De plus, les bâtiments se
trouvaient dans le rayon de protection d’un monument classé, l’Hôpital Général, distant de
quelques mètres.
Après cette succession de démolitions, voici ce qu’il reste :
La salle du four est composée de quatre arches de briques, légèrement surbaissées, reposant
sur des corbeaux de grès, de forts tirants en assurant la stabilité. Entre chaque arche se trouve
un appareillage de briques, en coupole en non envoûte en berceau comme ordinairement.
Plusieurs niches sont visibles. L’entrée se fait par la cour mais un accès sur l’Escaut est
aménagé.
Photo Jérôme Guilleminot 1988
Outre cette salle principale, il existe en rez-de-chaussée un couloir voûté en berceau dans le sol
duquel on observe deux ouvertures circulaires donnant accès à deux fosses briquetées dont le
fond est en forme de coque de navire. Le couloir communique encore avec une autre grande
salle pavée et voûtée, entièrement excavée et comportant ce qui ressemble à des plans de
travail en pierre bleue (ou à des mangeoires à fond plat). La fonction des fosses et salles reste
à déterminer.
Les sous-sols sont très importants ; ils communiquaient avec les ateliers placés au dessus, avec
la cour et avec l’Escaut. L’une des caves mérite une attention particulière bien qu’encombrée d
e détritus ; un pilier cylindrique de grès surmonté d’un chapiteau carré et mouluré également en
grès reçoit quatre arcs de briques. Il peut s’agir d’un élément antérieur à la porcelainerie.
Toutes les autres constructions ont été rasées sans que des relevés préalables aient pu être
réalisés. Nous ignorons à jamais l’importance de ce qui a été détruit.
Un pilier dans la cave
Photo Jérôme Guilleminot 1988
Des mesures à prendre
Désormais deux problèmes se posent :
D’une part la conservation des vestiges encore débout : la salle du four était protégée par une
toiture de fortune mais qui remplissait parfaitement son rôle et grâce à laquelle l’intérieur du
bâtiment est dans un état très satisfaisant. Cette toiture a été détruite. Afin de minimiser les
infiltrations, le CSPV a mis en place une bâche épaisse, toujours présente.
La grande bâche bleue, posée par le CSPV est toujours en place...
Photo Alain Cybertowicz janvier 2018
D’autre part, la réutilisation des vestiges : pendant près de soixante ans le bâtiment du four a
été abandonné, libre d’occupation. Il convient de rechercher effectivement une solution de
réaffectation. Une étude architecturale et archéologique est indispensable. Le terrain était,
semble-t-il, occupé précédemment par une tannerie et postérieurement par une brasserie. La
relation des bâtiments avec l'Escaut serait par ailleurs à préciser.
Cette partie arrière donnait directement sur l'Escaut
Photo Alain Cybertowicz janvier 2018