Souvenirs de Jean Patrick Leroy
Souvenirs de Valenciennes
On peut dire que mes premiers souvenirs c'était d'aller avec ma grand-mère attendre la sortie de ma mère de son bureau de l'assurance maladie, derrière le square Froissard . La double allée en faisait un lieu un peu mystérieux pour le petit bout d'enfant que j'étais et le monument lui-même avait quelque-chose de hors-normes . Me voulant «sage », au contraire des autres enfants je ne l'escaladais pas . Dans ces sorties il y avait un incontournable, le tram . Je ne me souviens pas de l'ancienne gare contre la poste, mais je n'ai pas oublié l'ouverture de la nouvelle, de l'autre côté de la place . L'auvent et la grande salle d'attente bien claire avec ses bancs de bois m'avaient quasi-éblouis . Dans le tram j'aimais les sièges de cuir bleu . Plus tard je trouverai comme tout un chacun ce tram bien dépassé et pourtant je refuserai pendant plus d'une décennie à utiliser le bus, tout au moins à Valenciennes .
De mon séjour à l'école maternelle je n'ai que des souvenirs fort fragmentaires . J'ai d'abord fréquenté une école provisoire puis la toute neuve école des acacias . Je crois y avoir été plus ou moins perçu comme insuffisant intellectuel puisque je n'ai pas eu droit à la grande section . Je fus néanmoins admis en CP, sans doute sur l'insistance de mes parents ? Ce qui était amusant c'est que cette classe de garçons était dans l'école des filles . Pour la récré, hors de question de mélanger les sexes, alors on sortait de l'école des filles pour aller dans celle des garçons . Heureusement pour la distribution de lait, belle initiative, peu durable, cette transhumance nous était évitée . Ce CP fut chaotique, non pour les acquisitions car mon père fut un excellent instituteur, mais pour la santé : Je fus constamment malade .
A cette époque il y avait encore quelques maisons de la rue Delsaux au bout de la place qui deviendrai celle du marché, ou l'était déjà, ça j'ai oublié . Mon père venait garer sa 4CV neuve tout au bord du trou . Et oui, du côté place un trou plongeait jusqu'au fond des caves, dans lesquelles coulait un ruisseau . Je sus plus tard qu'il s'agissait de la rivière sainte Catherine . Je me souviens de pots de fleurs sur des appuis et de fils à linge . J'imaginais les habitants tenir plus au moins en équilibre . C'était vertigineux, je me demandais comment tout cela tenait debout, et, mal à l'aise, je désirais m'éloigner .
Si mon père prenait sa voiture, lorsqu'il travaillait nous « descendions en ville » à pied . Nous descendions au propre car nous habitions avenue Dampierre, presque au point le plus haut de la commune . A cette époque l'avenue était pavée était pavée et bordée de l'emprise, en terre, du tramway . Les récipients hétéroclites faisant office de poubelles qui étaient déposés le long de cette emprise étaient parfois chopés par le tram ! Tous les jours passait le marchand de lait . Les jeudis et jours de vacances, c'est moi qui allait chercher le bidon . J'allais aussi à l'épicerie en face de chez nous, toujours bondée, et à la boulangerie un peu plus loin . Au printemps on avait parfois la chance de voir passer un rouleau compresseur à vapeur, annoncé par son tintamarre et les vibrations . Je pense qu'il replaçait les pavés soulevé par le gel . Une grande fête était le ramassage par les compagnons d'Emmaüs . C'était dans une bonne joie générale un défilé de camions surchargés . Et il y avait le passage du tour St Cordon sous les fenêtres . Je l'attendais, mais je n'aimais pas devoir aller baiser son manteau avenue de Monaco .
Quand on « descendait en ville » il fallait traverser l'Escaut sur le pont Villars . J'espérais que passe un tracteur électrique, halant ou non une péniche . C'était rare . Après il y avait, il y a toujours, les voies ferrées . Une fois, voyant arriver une locomotive dans un nuage de fumée, je me suis jeté sur la chaussée . Ma mère put me rattraper au vol . Ensuite il y avait le pont sur le bras de décharge de l'Escaut . Je ne sais plus pourquoi, je ne voulais surtout pas regarder l'eau . C'en était même un thème de cauchemars ! Et ensuite c'était le square Carpeaux, plus ou moins abandonné, déjà, alors que les anciennes cartes postales le montraient fleuri . Il ne m'éveille aucun souvenir particulier .
Un autre souvenir, qui me ramène plus en arrière . Mes parents étaient allés dans un magasin de la rue saint Jacques, il me semble, pour une histoire de landau à réparer . La vendeuse nous avait emmenés dans une cour de l'autre côté de la rue pour je ne sais quelle raison . Et là, dans la végétation, il y avait des fragments de statues . Quand bien plus tard j'ai découvert Atget je me suis dit qu'il aurait aimé .